Après avoir terminé
REAMDE de Neal
Stephenson, je me suis dit que j'appréciais mieux ce bouquin et
Cryptonomicon que sa « trilogie baroque ». J'ai donc
décidé d'aller voir ce qu'il avait fait précédemment dans le
genre contemporain ou SF.
Mon premier choix s'est arrêté sur
Snow Crash, puis l'ayant terminé, j'ai enchaîné sur The Diamond Age.
Et oui, je sais, je suis deux guerres en retard.
Snow Crash
On est dans un présent alternatif,
dans un setting « cyberpunk soft ». J'entends par là
qu'il y a une matrice (le Metaverse), c'est-à-dire un réseau global
dans lequel on se balade en réalité virtuelle, mais il n'y a pas
de prothèses cybernétiques.
D'abord, un petit mot sur le titre.
Snow Crash, c'est le nom d'une drogue dans le bouquin, mais c'est
aussi un plantage d'ordinateur qui amène à un écran plein de
neige. Le terme écran est à prendre avec des pincettes. Et la
neige, c'est le bruit blanc présent sur nos vieilles télés quand
il n'y a pas de signal présent en entrée. Comment ne pas penser à
la toute première phrase de Neuromancer, de Gibson ? De mémoire :
« The sky above the port was the color of television tuned to a
dead channel » (ça m'a marqué).
Le style d'écriture, typiquement
cyberpunk fait aussi penser à Gibson (ou Williams première époque).
Et dans les personnages principaux, il y a une gamine de quinze ans,
qui fait le coursier. En skateboard et non pas en vélo, comme dans
Virtual Light de... William Gibson.
Autant le dire de suite, dés le
premier chapitre, j'ai eu l'impression que le bouquin était un gag,
ou une parodie du genre. La Mafia livre des pizzas. La
skateboardeuse est une acrobate incroyable qui se déplace en se
faisant tracter à l'aide d'un grappin magnétique par les bagnoles.
Quand un gars essaie de la décrocher en conduisant comme un taré,
elle pirouette pour venir placer des autocollants sur la lunette
arrière ou le pare-brise. Les stickers en
question sont des messages bien sentis à destination du chauffard.
En l'occurence, le livreur de pizza, dont le nom est Hiro Protagonist
!
Ca va mieux par la suite, mais les deux
persos sont incroyables. Le hacker est doté d'une intelligence et
d'une intuition peu communes. Il est en outre un combattant au sabre
de première force. La fille est capable des cascades les plus
folles. C'est pas crédible pour un sou, et c'est le plus gros
reproche que j'ai à faire à ce bouquin. On n'y croit pas une
seconde. C'est impossible de s'identifier à un personnage.
L'explication arrive dans les remerciements de l'auteur à la fin du
bouquin : c'était au départ prévu pour être une BD numérique.
Alors là oui, rétrospectivement, on se dit qu'on a suivi les
aventures de héros de comics.
Sinon, l'intrigue aurait sans doute pu
être placée dans un autre contexte, étant donné qu'elle se greffe
sur des mythes vieux comme le monde. La description en longueur des
parties historiques (ou supposées telles) n'est pas des plus
passionnantes, il faut bien dire.
Il y a de méchantes incohérences, la
plus belle étant qu'on ne peut pas se toucher dans The Street (la
rue principale du Metaverse), au point que les gens se saluent d'une
inclinaison du buste. Mais au moment où Hiro en a besoin, il demande
à Y.T. (la fille) de trainer son avatar jusqu'à sa moto et de le
ramener à son bureau.
En bref, c'est pas que ça soit mauvais,
mais on a vu mieux. On a un peu l'impression que c'est le premier jet du bouquin qui a été publié par erreur au lieu de la version finale.
La citation qui résume le bouquin :
“Wait a minute, Juanita. Make up your
mind. This Snow Crash thing— is it a virus, a drug, or a religion?”
Juanita shrugs. “What’s the difference?”
The Diamond Age
Là, on est dans un autre registre.
C'est un autre présent alternatif, aussi avec un contexte
géo-politique différent du nôtre. Mais ce n'est pas du cyberpunk.
On est dans le cadre « anticipation où les nanotechnologies
ont révolutionné le monde ». Il y a une volonté de faire un
peu Steampunk, avec une faction « néo-victorienne »,
mais on dira que c'est purement décoratif.
Un aristocrate, qui a des vues
particulières sur ce que devrait être l'éducation de la jeunesse,
et qui trouve que sa petite-fille n'a aucune chance d'en bénéficier
s'il laisse faire les parents de la petite, va charger un ingénieur
de lui créer un objet qui va combler les lacunes de la jeune
demoiselle (quatre ans au moment des faits) sans en avoir l'air.
L'ingénieur va réaliser l'engin en question, qui prendra la forme
d'un livre de contes interactif. Etant lui-même le père d'une
gamine du même âge, il va se mettre hors-la-loi en réalisant une
copie de l'objet commandé, qui était supposé être unique. Après
quelques péripéties, ce « manuel d'éducation » va
finir dans les mains d'une autre gamine issue d'un milieu qu'on ne
pourra qualifier que de défavorisé. A partir de là, on va suivre
principalement l'évolution de la demoiselle en question, dans la
réalité, ainsi que celle de son alter ego, dans le livre.
J'ai bien quelques réserves sur ce
bouquin. Notamment, les Drummers, qui me paraissent durs à avaler.
Aussi quelques trucs incongrus ici et là. Mais bon, c'est mineur,
ça n'a gâché en rien le plaisir que j'ai pris à lire ce livre.
Par contre, c'est bon à savoir, j'ai dû faire un usage assez
intensif du dico intégré au Kindle. Parce que, une nouvelle fois,
Stephenson, c'est pas Dan Brown. Son vocabulaire est costaud.